Debussy par Stephen Walsh : critique – une belle biographie d’un peintre en sons

Il s’avère que Claude Debussy a vécu exactement comme tout artiste qui se respecte. Il buvait trop, avait un goût peu sûr pour les femmes, n’a jamais su gérer l’argent et considérait que quiconque ne voyait pas la musique exactement de la même manière que lui était un cancre. Il a souvent pensé à se suicider, mais c’est en fait sa première femme qui a appuyé sur la gâchette, se tenant sur la place de la Concorde pour s’assurer que tout le monde le remarque. Finalement, le grand compositeur est mort jeune, ou plutôt jeune, laissant la postérité spéculer sur l’endroit où son génie l’aurait emmené ensuite.

N’imaginez pas, cependant, que la nouvelle biographie fascinante de Stephen Walsh, publiée pour coïncider avec le centenaire de la mort de Debussy, consiste simplement en une anecdote mollassonne après l’autre. Comme le dit Walsh lui-même dans son introduction, la vie des compositeurs est trop souvent racontée comme si la musique était une pensée secondaire accessoire, à coincer sans ménagement entre des histoires de mauvaises dettes et de grandes fêtes. Walsh, au contraire, insiste pour placer les compositions de Debussy au cœur de cette biographie, les traitant comme le registre essentiel de l’existence émotionnelle et intellectuelle. La vie, à cette occasion, se retrouve dans la position inédite de devoir s’adapter à l’art.

En tant qu’étudiant boudeur du Conservatoire de Paris dans les années 1870, Debussy avait été apprenti dans une tradition où toutes les grandes questions de forme et de contenu avaient été décidées au moins un siècle plus tôt. Le travail du garçon, selon ses maîtres, était d’absorber ces modèles hérités, d’y ajouter ses cinq sous de fantaisie, avant de les transmettre, dûment rafraîchis, à la génération suivante de prodiges aux doigts agiles. Debussy, au contraire, ne visait rien de moins que de reconstruire la musique de bas en haut ou peut-être, plus exactement, de l’intérieur vers l’extérieur. Il voulait produire des séquences de ce qu’il appelait « couleurs et temps rythmés » qui exprimaient sa vision intérieure, plutôt que des sons tout faits à entasser dans une forme préétablie. La forme suivait le contenu, même si cela signifiait que la forme n’avait ni début ni fin, ni apogée ni accalmie, mais qu’elle apparaissait plutôt comme une trame ininterrompue maintenue par sa propre logique interne dense.

Détail du programme de Prélude à l'après-midi d'un faune, avec Nijinsky en 1912.
Détail du programme de Prélude à l’après-midi d’un faune, avec Nijinsky en 1912. Photographie : Alamy

Les critiques contemporains n’ont pas tardé à qualifier Debussy d’impressionniste, l’équivalent musical de Monet, pour sa façon de privilégier l’humeur, le sentiment et la scène sur l’histoire et le message. Debussy détestait cette étiquette, et Walsh convient que cette impulsion à faire entrer le compositeur dans une grille existante est ironique, étant donné que sa non-conformité habituelle est exactement ce qui l’a poussé à franchir les frontières en premier lieu. Néanmoins, Walsh suggère que ce n’est pas une raison pour rejeter l’idée plus générale que Debussy était, comme l’indique le sous-titre de ce livre, « un peintre du son », un compositeur pour qui le visuel était intégré à la moelle de la musique. Les heures de repos de Debussy se passaient au Louvre plutôt qu’à l’Opéra, tandis que dans le salon de son grand ami, le peintre Henry Lerolle, il était plus susceptible de faire un crochet par Edgar Degas et Pierre-Auguste Renoir.

Pour démontrer comment cette qualité de peintre se manifestait dans la musique, Walsh propose une série de lectures rapprochées des pièces les plus connues de Debussy, montrant la vue et le son croisés jusqu’à la synesthésie. Par exemple, il explique comment, dans Nuages, les accords à la dérive, les mélodies fragmentaires et les harmoniques superposées (plutôt que mélangées) deviennent, au lieu de décrire, un haut ciel gris avec un paysage nuageux flou et changeant. Ailleurs, Walsh se penche sur les avancées stylistiques de Debussy – les gammes pentatoniques, les accords non résolus, les pédales excentriques – pour montrer que le résultat est un ensemble de « couleurs » qui n’avaient jamais été entendues, ou vues, auparavant dans la musique française. Pour suivre l’argument, il est utile de savoir distinguer les chromatiques des tons entiers, bien que Walsh prenne soin de limiter au maximum les aspects techniques. Au lieu de cela, il déploie une prose délicieusement fluide pour entraîner le lecteur général dans la bonne direction.

Si Walsh peut faire petit, il peut aussi faire grand et il termine sa biographie finement outillée en quadrillant cette vieille question de savoir si Debussy représente la fin d’une époque musicale ou le début d’une autre. En effet, si le public de la première représentation de Pelléas et Mélisande en 1902 a pu s’indigner de son absence radicale de forme et de son méli-mélo harmonique, le fait est qu’à la mort du compositeur, seize ans plus tard, on le considérait déjà comme un classique. En effet, pour de jeunes critiques acérés comme Jean Cocteau, Debussy n’était rien d’autre qu’un romantique vieillissant dont les murmures sur les rossignols et le clair de lune semblaient appartenir au dernier souffle du XIXe siècle. Ce n’est qu’après la guerre mondiale suivante que les brumes se dissipent et qu’il est à nouveau possible d’avoir une vision à long terme. Debussy n’était plus considéré comme un impressionniste, produisant des métaphores vaporeuses de faunes ou de vagues. Au contraire, la voie était libre pour lui redonner la place qui lui revenait en tant que moderniste sonore, dont la musique non seulement donnait son propre sens mais indiquait aussi la voie à suivre pour les 100 années suivantes.

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