Ce que tout médecin doit savoir
L’hémoptysie est l’expectoration de sang. L’hémoptysie massive, qui survient dans environ 5 % des cas, est souvent le signe d’une affection médicale sous-jacente grave qui constitue une urgence médicale. La définition de l’hémoptysie massive peut varier de 100 ml en 1 heure à 600 ml en 24 heures. Une hémoptysie entraînant un besoin de transfusion ou une instabilité hémodynamique est également considérée comme massive.
Le taux de mortalité en cas d’hémoptysie massive peut atteindre 75 %, le décès résultant d’une obstruction aiguë des voies aériennes et d’une insuffisance respiratoire hypoxémique, plutôt que d’une exsanguination. Étant donné que l’espace mort total des voies aériennes mesure environ 150 ml, les voies aériennes de conduction peuvent être obstruées avec un saignement même minime si un patient est incapable d’éliminer efficacement le sang.
Classification:
L’hémoptysie est généralement considérée comme massive ou sub-massive. L’hémoptysie massive est définie de manière générale comme la production de 500 à 600 ml de sang en 24 heures ; 100 ml en 1 heure ou un saignement nécessitant une transfusion ou entraînant un compromis hémodynamique.
Etes-vous sûr que votre patient a une hémoptysie ? Que devez-vous vous attendre à trouver ?
L’hémoptysie se présente souvent comme une toux accompagnée d’une expectoration de sang ou de crachats striés de sang. Certains patients notent des « gargouillis » ou des « cliquetis » dans leur poitrine avant le début de l’hémoptysie avec ou sans toux.
Attention : il existe d’autres maladies qui peuvent mimer l’hémoptysie :
L’épistaxis et l’hématémèse sont deux troubles courants qui peuvent mimer l’hémoptysie. Les patients peuvent être incapables de différencier les différentes sources potentielles de saignement. Si l’épistaxis ou l’hématémèse ne peuvent être exclus, la consultation d’un oto-rhino-laryngologiste ou d’un gastro-entérologue peut être justifiée.
Comment et/ou pourquoi le patient a-t-il développé une hémoptysie ?
Lorsqu’un patient présente une hémoptysie massive, plusieurs grandes catégories étiologiques doivent être prises en compte lors de la mise en œuvre des plans de diagnostic et de prise en charge.
Voir tableau I.
Quelles sont les personnes les plus à risque de développer une hémoptysie ?
Une anamnèse et un examen physique détaillés peuvent fournir les premiers indices concernant l’étiologie sous-jacente. Les médecins doivent éliciter tout symptôme récent d’infection. Une attention particulière doit être portée à l’élicitation de toute maladie pulmonaire ou cardiaque sous-jacente, des expositions professionnelles ou au tabac, des maladies du tissu conjonctif et des antécédents familiaux de troubles pulmonaires ou de troubles de la coagulation.
Quelles études de laboratoire faut-il prescrire pour aider à poser le diagnostic et comment interpréter les résultats ?
Les tests de laboratoire initiaux doivent inclure une numération globulaire complète, des études de coagulation, l’azote uréique du sang, la créatinine et une analyse d’urine. Ces résultats peuvent fournir des indices sur la présence de tout trouble systémique sous-jacent (par exemple, coagulopathie, syndromes pulmonaires-rénaux auto-immuns). Les sérologies (ANA, facteur rhumatoïde, ANCA) doivent être évaluées en cas de suspicion de syndrome pulmonaire-rénal. Des cultures de crachats et de sang peuvent être réalisées pour rechercher des organismes pathogènes lorsqu’une source infectieuse est suspectée.
Quelles études d’imagerie seront utiles pour poser ou exclure le diagnostic d’hémoptysie ?
Les études radiographiques constituent l’épine dorsale de l’évaluation diagnostique en cas d’hémoptysie massive. L’objectif de l’imagerie est d’aider à identifier et à localiser la cause potentielle du saignement et d’intervenir si possible. La radiographie pulmonaire standard (CXR) est un outil initial important qui peut identifier un certain nombre d’entités pathologiques, notamment des lésions cavitaires, des tumeurs, des infiltrats lobaires ou alvéolaires, des infarctus pulmonaires et des masses médiastinales. Cependant, le taux de faux négatifs de la CXR standard peut atteindre 40 %.
La tomographie assistée par ordinateur (CT) améliore considérablement la capacité d’imagerie diagnostique basée dans sa sensibilité accrue par rapport à la radiographie thoracique standard. La CT peut détecter des nodules, des masses, des lésions cavitaires, des infiltrations et des adénopathies médiastinales qui pourraient autrement passer inaperçues sur le CXR en raison de sa faible résolution. Le renforcement du contraste peut détecter des emboles pulmonaires, des malformations artério-veineuses (MAV) ou des anévrismes.
De plus, les anomalies multifocales de la TDM peuvent aider à identifier la latéralité du saignement. Les deux principales limites de l’imagerie CT sont le temps nécessaire à l’obtention de l’étude et la nécessité de positionner le patient en décubitus dorsal, ce qui peut nuire au dégagement des voies respiratoires en cas de saignement en cours. Par conséquent, en cas d’hémoptysie à progression rapide et mettant en danger la vie du patient, l’intervention définitive ne doit pas être retardée pour obtenir un CT.
Quelles études diagnostiques pulmonaires non invasives seront utiles pour poser ou exclure le diagnostic d’hémoptysie ?
L’hémoptysie est généralement un événement aigu et anxiogène, c’est pourquoi la plupart des patients se présentent chez leur médecin traitant, leur pneumologue ou le service d’urgence le plus proche pour une évaluation précoce. Les évaluations de laboratoire, radiographiques et bronchoscopiques sont généralement entreprises dans le service des urgences ou dans un autre cadre surveillé comme l’unité de soins intensifs.
Quelles procédures diagnostiques seront utiles pour poser ou exclure le diagnostic d’hémoptysie ?
La bronchoscopie fibroscopique est une procédure importante à envisager pour identifier la source de l’hémoptysie lorsqu’elle n’est pas claire à partir des études radiographiques. L’objectif global de la bronchoscopie est l’identification du site du saignement afin que des interventions définitives puissent être effectuées si le saignement persiste ou met la vie en danger. Si la source du saignement n’est pas claire et qu’une source des voies aériennes supérieures ou gastro-intestinale est suspectée, une nasopharygolaryngoscopie ou une œsophagogastroduodénoscopie peut être réalisée.
Quelles études pathologiques/cytologiques/génétiques seront utiles pour poser ou exclure le diagnostic d’hémoptysie ?
Si l’on pense qu’un carcinome bronchogénique primaire est la source de l’hémoptysie, une cytologie de l’expectoration peut être envoyée. Cependant, dans la gestion contemporaine de l’oncologie thoracique, le diagnostic seul est insuffisant pour informer la gestion du cancer du poumon et tous les patients doivent être considérés pour une stadification complète non invasive et minimalement invasive avec CT, PET et prélèvement ganglionnaire.
Si vous décidez que le patient a une hémoptysie, comment le patient doit-il être pris en charge ?
Gestion aiguë
Les étapes initiales lorsqu’un patient présente une hémoptysie massive comprennent la stabilisation. L’établissement d’une voie aérienne, la garantie d’une ventilation adéquate et la stabilité circulatoire sont essentiels. La première intervention envisagée lors d’une hémorragie aiguë consiste simplement à tourner le patient côté sang pour éviter de souiller l’arbre bronchique non affecté. Permettre au patient de dégager lui-même ses voies respiratoires est plus efficace que toute intervention mécanique. Les patients doivent être admis et surveillés de très près dans une unité de soins intensifs (USI). L’intubation endotrachéale doit être envisagée si le patient ne parvient pas à éliminer le saignement ou s’il présente une détresse respiratoire progressive ou une hypoxémie. L’intubation avec des tubes endotrachéaux de gros calibre (par exemple, 8,5 ou 9 mm de diamètre) est recommandée pour faciliter l’aspiration et permettre l’insertion du bronchoscope. Si le patient présente une hémoptysie continue de grand volume, la sonde endotrachéale peut être avancée sous visualisation bronchoscopique directe dans les voies aériennes qui ne saignent pas. Le sang peut être aspiré et le patient stabilisé.
En alternative, un bloqueur endobronchique peut être placé. Deux techniques ont été décrites, notamment la mise en boucle du cathéter autour de l’extrémité du scope et l’avancée en bloc du bronchoscope flexible et du cathéter dans les voies aériennes. L’autre approche consiste à passer une pince dans le canal de travail du bronchoscope, puis à saisir la boucle, en avançant le système en bloc dans les voies aériennes qui saignent. Le ballon doit être avancé aussi distalement que possible pour minimiser le poumon exclu de la ventilation. Le ballon doit être dégonflé toutes les 24 heures pour vérifier si le saignement a cessé.
La bronchoscopie doit être envisagée à ce stade. Cela permet une localisation et une intervention endoscopique est appropriée. La bronchoscopie rigide permet simultanément l’aspiration à gros calibre, le maintien des voies respiratoires et la ventilation, c’est donc la modalité privilégiée en cas d’hémoptysie potentiellement mortelle. Cependant, l’efficacité de la bronchoscopie rigide peut être limitée par l’expérience du médecin et l’impossibilité d’accéder à la trachée et aux bronches principales. Par conséquent, les bronchoscopies rigides et flexibles sont souvent combinées pour obtenir une évaluation et un contrôle optimaux des saignements.
Gestion définitive
L’embolisation des artères bronchiques (BAE), qui a été réalisée pour la première fois dans les années 1970, est devenue la modalité de traitement non chirurgical la plus utilisée en raison de son efficacité à court terme (plus de 90 %) et à long terme (plus de 80 %). Le succès de l’embolisation dépend largement de la capacité à délimiter l’anatomie vasculaire par angiographie. Chez les patients présentant des saignements récurrents malgré l’embolisation (10-20% sur six à douze mois), une nouvelle embolisation peut être tentée.
Les patients présentant des saignements latéralisés et non contrôlés doivent être évalués précocement en vue d’une éventuelle intervention chirurgicale au cas où ils s’avéreraient réfractaires aux mesures de temporisation ou à la BAE. L’intervention chirurgicale est généralement le choix de traitement dans les cas d’hémoptysie massive qui sont dus à des anévrismes aortiques fuyants, des kystes hydatiques, des ruptures vasculaires pulmonaires iatrogènes ou des traumatismes thoraciques. Cependant, la chirurgie est contre-indiquée en cas d’invasion carcinomateuse de la trachée, du médiastin, du cœur et des gros vaisseaux et en cas de fibrose pulmonaire avancée.
Le taux de mortalité chirurgicale en cas d’hémoptysie massive (définie comme un décès dans les sept jours postopératoires) varie de 1 % à 50 %, les cas émergents ayant le taux de mortalité le plus élevé. Les complications chirurgicales courantes comprennent l’empyème, la fistule bronchopleurale, l’hémorragie pulmonaire postopératoire, l’insuffisance respiratoire prolongée, l’infection de la plaie et l’hémothorax. Récemment, certains centres ont démontré une réduction de la mortalité en évitant une intervention chirurgicale dans les 48 heures suivant le début de l’hémoptysie si le saignement peut être temporisé par des mesures moins invasives.
La reprise tardive du saignement (après un an) est généralement due à une néovascularisation ou à une recanalisation. Les complications liées au BAE sont rares entre des mains expérimentées, mais une nécrose de la paroi bronchique et une myélopathie ischémique due à une embolisation involontaire de l’artère spinale peuvent survenir.
Quel est le pronostic des patients pris en charge selon les méthodes recommandées ?
Le pronostic des patients présentant une hémoptysie menaçant le pronostic vital dépend de deux facteurs : la capacité à prévenir une asphyxie aiguë due à l’obstruction des voies respiratoires et l’étiologie sous-jacente. Chez les patients chez qui l’hémoptysie massive est contrôlée et chez qui l’hémoptysie s’avère être due à une affection pulmonaire ou systémique sous-jacente et traitable (par exemple, une infection, un syndrome pulmonaire-rénal ou des embolies septiques), le pronostic est bon. En revanche, chez les patients qui présentent une hémoptysie importante et des maladies non traitables ou avancées (par exemple, un cancer du poumon ou des lésions pulmonaires métastatiques), le pronostic est mauvais.
Quelles autres considérations existent pour les patients présentant une hémoptysie ?
Chez les patients présentant des malformations artério-veineuses et une hémoptysie due à une télangiectasie hémorragique héréditaire, le dépistage et le conseil génétiques peuvent être des considérations importantes pour les patients et les familles.