Le 26 juillet 1956, le président égyptien Gamal Abdel Nasser annonce la nationalisation de la Compagnie du canal de Suez, l’entreprise conjointe franco-britannique qui possédait et exploitait le canal de Suez depuis sa construction en 1869. L’annonce de Nasser intervient après des mois de tensions politiques croissantes entre l’Égypte, la Grande-Bretagne et la France. Bien que Nasser ait offert une compensation économique complète pour la compagnie, les gouvernements britannique et français, qui se méfiaient depuis longtemps de l’opposition de Nasser à la poursuite de leur influence politique dans la région, ont été outrés par la nationalisation. Le dirigeant égyptien, à son tour, n’appréciait pas ce qu’il considérait comme des efforts européens pour perpétuer leur domination coloniale.
L’administration Eisenhower, inquiète de la perspective du déclenchement d’hostilités entre ses alliés de l’OTAN et une puissance émergente et influente du Moyen-Orient (et de l’intervention possible de l’Union soviétique dans un tel conflit), tente de négocier un règlement diplomatique du différend britannico-franco-égyptien. Le 9 septembre, le secrétaire d’État américain John Foster Dulles propose la création d’une association des utilisateurs du canal de Suez (SCUA), un consortium international regroupant 18 des principales nations maritimes du monde, pour exploiter le canal. Bien que la SCUA aurait donné à la Grande-Bretagne, à la France et à l’Égypte une participation égale dans le canal, cette proposition, ainsi que divers autres efforts de médiation américains et internationaux, n’ont pas réussi à obtenir le soutien total d’aucune des puissances en conflit.
Dans les discussions avec les États-Unis entre août et octobre, le gouvernement britannique a laissé entendre à plusieurs reprises qu’il pourrait recourir à la force pour traiter avec Nasser. Au même moment, les Britanniques et les Français tiennent des consultations militaires secrètes avec Israël, qui considère Nasser comme une menace pour sa sécurité, ce qui aboutit à la création d’un plan commun pour envahir l’Égypte et renverser son président. Conformément à ces plans, les forces israéliennes attaquent la péninsule égyptienne du Sinaï le 29 octobre 1956, avançant jusqu’à 15 km du canal de Suez. Sous prétexte de protéger le canal contre les deux belligérants, la Grande-Bretagne et la France débarquèrent leurs propres troupes quelques jours plus tard.
En réponse, l’administration Eisenhower, soucieuse de dissocier les États-Unis du colonialisme européen – surtout à la lumière de sa condamnation stridente de l’intervention soviétique en Hongrie la même semaine – ainsi que de la possibilité que les Soviétiques interviennent pour aider Nasser, fit pression sur la Grande-Bretagne et la France pour qu’elles acceptent un cessez-le-feu des Nations unies le 6 novembre. De plus, les États-Unis ont voté en faveur des résolutions de l’ONU condamnant publiquement l’invasion et approuvant la création d’une force de maintien de la paix de l’ONU. La censure publique de Washington à l’égard de deux de ses plus importants alliés a temporairement envenimé les relations avec Londres et Paris et a contribué à la démission du Premier ministre britannique Anthony Eden en janvier 1957. Parallèlement, les inquiétudes des États-Unis quant à la viabilité continue du pouvoir politique et militaire européen (en particulier britannique) au Moyen-Orient à la suite de la crise de Suez incitent à la création de la doctrine Eisenhower, qui donne à l’administration des pouvoirs accrus pour aider les pays de la région. En mars 1957, cependant, les relations bilatérales entre les États-Unis et le Royaume-Uni s’étaient rétablies sous la direction du successeur d’Eden, Harold Macmillan.