C’est un harceleur effrayant… pneu automobile. Roxane Mesquida dans Rubber.
★★★★ sur ★★★★★
Grindhouse rencontre la Nouvelle Vague française dans cette comédie d’horreur sombre et bizarre sur un pneu automobile sociopathe qui tue les gens avec des pouvoirs psychokinétiques. Vous ne l’avez pas vu venir, n’est-ce pas ?
Aussi bizarre que soit cette prémisse, le film est en fait encore plus bizarre. Et, c’est en fait mieux que ce que la prémisse semble être. Ma première pensée était que cela allait être comme une production Troma ou Sharknado, quelque chose qui savait que c’était un film trash et qui se vautrait dans son trash. Mais, curieusement, Rubber a un message à faire passer et mise sur le surréel et l’absurde plutôt que sur le burlesque. Le réalisateur Quentin Dupieux a, volontairement ou non, réalisé un film que Jean-Luc Godard ou Françoise Truffant auraient applaudi. C’est un méta-film post-moderne très conscient de lui-même, qui franchit le quatrième mur et revient en arrière, et fait même un peu tourner le quatrième mur.
La scène d’introduction est un récit absurde, où une voiture de police parcourt une gaine de chaises pliantes le long d’une route du désert californien, les tapant et les faisant s’effondrer. Un flic, Chad (Stephen Spinella), sort alors du coffre de la voiture et commence à monologuer devant la caméra sur l’histoire du cinéma, et sur le nombre de décisions prises pour « Aucune raison ». Cela met en place le film pour vous faire savoir que ce film n’aura aucun sens logistique. Puis, il est révélé que Chad ne s’adresse pas au public (bien qu’il le fasse) mais plutôt à une foule rassemblée pour assister à… une expérience ? Une production cinématographique ? Depieux se sert de cette foule comme d’un chœur grec, qui intervient souvent pendant le film pour commenter le déroulement des événements. (C’est la rotation du quatrième mur… et maintenant je me rends compte que je suis en train de me laisser emporter par la nature trop réfléchie de ce film ! Au secours ! Au secours !) L’assistant de production de Chad (Jack Plotnick) distribue des jumelles à la foule, et nous sommes prêts à commencer pour de bon.
Le quatrième mur théâtral sous la forme d’un chœur grec de spectateurs de « films ».
L’acte I s’ouvre sur un pneu mis au rebut, à moitié enterré, qui se tortille debout dans la poussière du désert et commence à explorer son nouvel environnement. C’est Robert. Il a un nom ? Bien sûr qu’il en a un ! Sans raison ! Nous nous rendons vite compte, au fur et à mesure que Robert parvient à se frayer un chemin dans le désert, que c’est un petit bougre destructeur. Il brise des bouteilles et des boîtes de conserve et parvient finalement à faire exploser un lapin grâce à un étrange pouvoir psychokinétique. Pauvre lapin ! Depieux aurait pu utiliser un montage beaucoup plus serré ici… le pneu qui erre dans le désert n’est intéressant que pendant un certain temps. Lorsque le pneu parvient enfin à trouver de l’asphalte, il voit passer une Volkswagen conduite par la charmante Sheila (Roxane Maxida) et le pneu parvient à tuer le moteur de la voiture. Le pneu est sous le charme ! Mais avant que le pneu ne puisse s’approcher de la voiture immobilisée, il se fait rosser par un camion qui passe.
Le film change alors de lieu pour se dérouler dans un motel-station-service du désert, où la jeune femme et le camionneur sont arrivés…. bientôt suivis par le pneu, animé par la luxure et la vengeance. Le pneu parvient à occuper une chambre de motel, où il s’installe pour regarder la télévision et se prépare à traquer Sheila et à tuer quiconque s’interpose. Il est assez étrange d’arriver à cette conclusion étant donné que le pneu ne peut pas agir du tout… mais on y arrive. Parallèlement aux plans infâmes du pneu, le shérif Chad et son homme de main/assistant de production prévoient d’essayer de tuer le chœur grec, car ce faisant, ils ramèneront le monde à la normale, mettant ainsi fin au « film ». Mais le complot est déjoué, laissant le pneu animé et en colère. Ne demandez pas pourquoi. C’est l’effet « No Reason » en pleine action.
Cela oblige Chad et ses adjoints à faire équipe avec Sheila pour coincer et traiter le pneu tueur. Il y a un certain nombre de personnes aléatoires qui finissent par se faire exploser la tête sur leurs épaules par Robert, acharné à la destruction après avoir « vu » un tas de pneus mis dans un feu de joie. Le pneu doit être arrêté ! L’intrigue pour abattre le pneu se termine par un leurre d’otage, et le film devient très méta, utilisant un membre survivant du chœur pour intervenir et se plaindre que l’opération de guet-apens idiote prend trop de temps et n’a aucun sens.
Et voilà. Le film prend vraiment trop de temps et n’a aucun sens. C’est comme le sketch du Saturday Night Live qui est drôle mais qui dure trop longtemps. Il y a quelques moments vraiment fantastiques dans Rubber, mais j’aurais pu en avoir plus. Mon moment absurde préféré implique un alligator empaillé. Attendez un peu ! Totalement sorti de nulle part. On a vraiment l’impression que Depieux avait un film de 45 minutes et a fini par en rajouter 45 autres pour en faire un long métrage. Le refrain ressemble aussi à des excuses aux spectateurs, dans le sens où le réalisateur avait besoin d’un moyen de transmettre sa réflexion en dehors de l’intrigue. Mais il est également remarquable que Depieux sache tout cela, et qu’il le célèbre. À travers cet objectif absurde, il montre son héritage cinématographique français. Je ne suis pas un expert de la Nouvelle Vague française, et je ne veux pas l’être. Je trouve ces films moralisateurs et hyper-intellectuels, mais leur déconstruction d’une narration traditionnelle a trouvé sa place dans la culture cinématographique. Tarantino, quelqu’un ? Mais plus je m’attarde sur ce point, plus je passe pour un snob de l’école de cinéma, mais je n’y suis jamais allé, et j’aime ce film plus pour ses éléments gores de grindhouse que pour sa rigueur intellectuelle.
En tant que reflet du processus de pensée d’un réalisateur, ce film révèle beaucoup de choses. Il vous raconte son processus de pensée dans le méta-commentaire de Chad et du Chorus. C’est un mashup de films familiers. C’est un hybride de Scanners, The Hitcher, Weekend, Feast et une pub pour les pneus Bridgestone. Le film n’est pas aussi stupide qu’on le pense, mais il n’est pas non plus aussi intelligent que Depieux le pense. Trop intelligent pour son propre bien, et pourtant toujours amusant. Si vous voyez ce film, vous ne l’oublierez pas.
Rubber est classé R et est disponible à la location sur Amazon Prime, iTunes, Vudu et YouTube.
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