L’arbre Bodhi sous lequel le Bouddha s’est assis est mort

Le peuplier de la Mahabodhi à Bodh Gaya, dans le Bihar, est un objet de vénération pour des millions de bouddhistes dans le monde, étendant son ombre sur l’endroit où le Bouddha aurait atteint le nirvana. Censé être un descendant de l’arbre Bodhi original, le ficus religiosa qui se trouve actuellement à cet endroit a été planté en 1881, par l’archéologue britannique Alexander Cunningham, puis plus tard restauré et entretenu par des moines.

Il y a environ 10 ans, l’arbre semblait se dessécher, malgré les soins et l’attention constants que lui prodiguent les quelque deux millions de pèlerins qui le visitent chaque année. L’Institut de recherche forestière – l’organisme le plus important du pays en matière de foresterie et d’arbres – a été appelé de son siège à Dehradun pour lancer une opération de sauvetage. Le pathologiste forestier NSK Harsh a aidé à soigner ce célèbre ficus religiosa et s’en est occupé depuis.

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Bien que désormais à la retraite, Harsh continue de conseiller le temple Mahabodhi. Il nous a parlé de sa relation particulière avec l’arbre.

VICE : Quelle est l’importance de l’arbre de la Mahabodhi ?
NSK Harsh : Tout d’abord, c’est un être vivant. Et pour les bouddhistes, c’est un arbre pieux et sacré. Parfois, il y avait des échauffourées entre les gens pour attraper une feuille qui tombait. Cependant, cet arbre particulier n’est pas là depuis des milliers d’années, comme on le suppose généralement. Il a environ 130 ans, et est un successeur de l’arbre original sous lequel le Bouddha est censé s’être assis.

NSK Harsh, le médecin de l’arbre Bodhi. Image : NSK Harsh

Bien que je ne m’en sois pas occupé, j’ai visité en 2009 l’arbre Jaya Shri Mahabodhi à Anuradhapur, au Sri Lanka, qui serait le plus ancien arbre vivant planté par l’homme au monde. Il aurait été planté en 288 avant JC, à partir d’une bouture de l’arbre original de la Mahabodhi à Bodh Gaya.

Avez-vous soigné d’autres arbres célèbres ou remarquables dans le monde ?
J’ai également travaillé pour des arbres sacrés au Cambodge. Il y a un arbre patrimonial célèbre dans le temple Ta Prohm, ou « temple arbre » au Cambodge. Il est connu scientifiquement comme Tetrameles nudiflora et localement comme spung.

En Inde, j’ai pris soin de l’arbre à Sai Baba Santhan à Shirdi sous lequel Sai Baba aurait atteint sa diksha. Il y a un banian à Kurukshetra, où l’on dit que Krishna a donné le sermon de la Gita. J’ai également pris soin de l’arbre rudraksh à Shantikunj, à Haridwar.

Le changement climatique a-t-il affecté la santé de la Mahabodhi ?
En raison du réchauffement climatique, la température peut avoir augmenté d’un degré au maximum. Cette hausse mineure n’affectera pas le bois ou la racine, qui sont bien protégés sous le sol. Cependant, cela peut affecter le cycle de floraison.

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Le temps cette année est plus chaud qu’auparavant à cette période de l’année, ce qui peut affecter le cycle naturel du feuillage. La période normale de « chute des feuilles » est en janvier ou février, ce qui peut être retardé cette fois-ci.

Y a-t-il d’autres facteurs qui affectent négativement l’arbre ?
Il y a un sol en marbre blanc sous l’arbre, qui devient chaud pendant les étés. Le mur du temple de la Mahabodhi, de couleur grise, dégage également de la chaleur. Cet excès de chaleur provoque parfois une défoliation prématurée. Après avoir suivi mes suggestions, le sol en marbre est nettoyé deux fois par jour, vers 11 heures et 16 heures.

La pollution affecte-t-elle aussi l’arbre ?
Certainement. Les couches de poussière sur la feuille affectent la photosynthèse. S’il y a des substances toxiques dans l’air comme le monoxyde de carbone par la pollution automobile, cela peut aussi causer des problèmes à l’arbre.

Une vue générale du temple Mahabodhi et de l’arbre sacré à Gaya. Image courtoisie : NSK Harsh

Qu’en est-il de l’interférence et de la présence humaine ?
Les habitants avaient l’habitude de ramasser les feuilles, les branches et les figues tombées. Certains vendaient les feuilles à des dévots étrangers à environ 10 dollars la feuille. J’ai demandé à la direction du temple de collecter les déchets et d’en faire une poudre, qui pourrait ensuite être utilisée à des fins religieuses ou être donnée en souvenir aux dignitaires étrangers en visite.

Les gens avaient l’habitude de brûler des bâtons d’encens, des diyas et des bougies sous l’arbre. On a trouvé un endroit séparé loin de l’arbre pour lui « offrir de la lumière ». Nous avons également empêché les dévots d’offrir du lait à l’arbre.

Combien de fois deviez-vous inspecter l’arbre ?
Au début, j’y allais trois fois par an : une fois en hiver, une fois à la saison des pluies et une fois au début de l’été. Parfois, il y avait même quatre visites dans l’année. Après ma retraite, le comité du temple m’a personnellement demandé de venir voir l’arbre et de conseiller les scientifiques du FRI qui s’en occupent actuellement.

Quel genre de choses avez-vous fait pour augmenter la durée de vie de l’arbre ?
J’emploie le sens et la science. Nous avons enrobé les étais métalliques sous les branches d’une litière de caoutchouc et de mousse, afin que les branches ne soient pas endommagées. On enlevait régulièrement le feuillage et on ajoutait du fumier. Nous trouvions régulièrement des moyens de sauver l’arbre de maladies comme la cochenille. Toute blessure de la tige ou des branches était traitée avec une pâte spéciale. L’arbre souffrait également d’une pénurie d’éléments nutritifs majeurs comme l’azote, le cuivre et la potasse. Pour contrer cela, nous avons appliqué des micronutriments aux vieilles racines une ou deux fois par an, en fonction des besoins.

Combien de temps pensez-vous que l’arbre puisse survivre ?
L’arbre peepal a une vie comparativement longue, et continue à se régénérer, non seulement par ses graines mais aussi par ses racines. Lorsque le tronc principal meurt, un nouveau tronc se lève et prend sa place. C’est le cercle de la vie. Je pense que cet arbre peut survivre encore 50 ans. Son descendant a déjà commencé à apparaître et il prendra le relais le moment venu.

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