Il est possible de faire remonter l’origine du mot « ratio » au grec ancien λόγος (logos). Les premiers traducteurs l’ont rendu en latin par ratio ( » raison » ; comme dans le mot » rationnel « ). Une interprétation plus moderne de la signification d’Euclide s’apparente davantage à un calcul ou à une estimation. Les auteurs médiévaux utilisaient le mot proportio (« proportion ») pour indiquer le rapport et proportionalitas (« proportionnalité ») pour l’égalité des rapports.
Euclide a rassemblé les résultats apparaissant dans les Éléments à partir de sources antérieures. Les pythagoriciens ont développé une théorie des rapports et des proportions appliquée aux nombres. La conception pythagoricienne du nombre n’incluait que ce que l’on appellerait aujourd’hui les nombres rationnels, mettant en doute la validité de la théorie en géométrie où, comme l’ont également découvert les pythagoriciens, des rapports incommensurables (correspondant aux nombres irrationnels) existent. La découverte d’une théorie des rapports qui ne suppose pas la commensurabilité est probablement due à Eudoxe de Cnide. L’exposé de la théorie des proportions qui apparaît dans le livre VII des Éléments reflète la théorie antérieure des rapports de commensurables.
L’existence de théories multiples semble inutilement complexe puisque les rapports sont, dans une large mesure, identifiés aux quotients et à leurs valeurs prospectives. Cependant, il s’agit d’un développement comparativement récent, comme le montre le fait que les manuels de géométrie modernes utilisent encore une terminologie et une notation distinctes pour les ratios et les quotients. Les raisons en sont doubles : premièrement, il y avait la réticence précédemment mentionnée à accepter les nombres irrationnels comme de véritables nombres, et deuxièmement, l’absence d’un symbolisme largement utilisé pour remplacer la terminologie déjà établie des ratios a retardé la pleine acceptation des fractions comme alternatives jusqu’au 16ème siècle.
Les définitions d’EuclideModification
Le livre V des Éléments d’Euclide comporte 18 définitions, qui se rapportent toutes aux ratios. En outre, Euclide utilise des idées qui étaient d’un usage si courant qu’il n’a pas inclus de définitions pour elles. Les deux premières définitions indiquent qu’une partie d’une quantité est une autre quantité qui la « mesure » et, inversement, qu’un multiple d’une quantité est une autre quantité qu’elle mesure. Dans la terminologie moderne, cela signifie qu’un multiple d’une quantité est cette quantité multipliée par un nombre entier supérieur à un – et qu’une partie d’une quantité (signifiant partie aliquote) est une partie qui, lorsqu’elle est multipliée par un nombre entier supérieur à un, donne la quantité.
Euclide ne définit pas le terme « mesure » tel qu’il est utilisé ici, Cependant, on peut en déduire que si une quantité est prise comme unité de mesure, et qu’une seconde quantité est donnée comme un nombre entier de ces unités, alors la première quantité mesure la seconde. Ces définitions sont reprises, presque mot pour mot, comme définitions 3 et 5 dans le livre VII.
La définition 3 décrit ce qu’est un rapport de manière générale. Elle n’est pas rigoureuse dans un sens mathématique et certains l’ont attribuée aux éditeurs d’Euclide plutôt qu’à Euclide lui-même. Euclide définit un rapport entre deux quantités du même type. Par conséquent, cette définition définit les rapports de deux longueurs ou de deux surfaces, mais pas le rapport d’une longueur et d’une surface. La définition 4 rend la chose plus rigoureuse. Elle stipule qu’un rapport entre deux quantités existe lorsqu’il existe un multiple de chacune d’elles qui dépasse l’autre. En notation moderne, un rapport existe entre les quantités p et q, s’il existe des entiers m et n tels que mp>q et nq>p. Cette condition est connue sous le nom de propriété d’Archimède.
La définition 5 est la plus complexe et la plus difficile. Elle définit ce que signifie l’égalité de deux rapports. Aujourd’hui, cela peut être fait en déclarant simplement que les rapports sont égaux lorsque les quotients des termes sont égaux, mais une telle définition n’aurait eu aucun sens pour Euclide. En notation moderne, la définition de l’égalité d’Euclide est la suivante : étant donné des quantités p, q, r et s, p∶q∷r ∶s si et seulement si, pour tout entier positif m et n, np<mq, np=mq, ou np>mq selon que nr<ms, nr=ms, ou nr>ms, respectivement. Cette définition a des affinités avec les coupes de Dedekind car, avec n et q tous deux positifs, np vaut mq comme p/q vaut le nombre rationnel m/n (en divisant les deux termes par nq).
La définition 6 dit que les quantités qui ont le même rapport sont proportionnelles ou en proportion. Euclide utilise le grec ἀναλόγον (analogon), celui-ci a la même racine que λόγος et est lié au mot anglais « analog ».
La définition 7 définit ce que signifie pour un rapport d’être inférieur ou supérieur à un autre et se base sur les idées présentes dans la définition 5. En notation moderne, elle dit que, étant donné des quantités p, q, r et s, p∶q>r∶s s’il existe des entiers positifs m et n tels que np>mq et nr≤ms.
Comme pour la définition 3, la définition 8 est considérée par certains comme une insertion ultérieure des éditeurs d’Euclide. Elle définit trois termes p, q et r comme étant en proportion lorsque p∶q∷q∶r. On étend cette définition à 4 termes p, q, r et s lorsque p∶q∷q∶r∷r∶s, et ainsi de suite. Les suites qui ont la propriété que les rapports des termes consécutifs sont égaux sont appelées progressions géométriques. Les définitions 9 et 10 appliquent cette propriété, en disant que si p, q et r sont en proportion, alors p∶r est le rapport en double de p∶q et si p, q, r et s sont en proportion, alors p∶s est le rapport en triple de p∶q.